COUP DE TORCHON
Pour répondre à ClO et Chris de Tambouille je vous présente mon torchon préféré, qui est en même temps le plus vintage, pourri, usé, familial, recyclé, local, résistant, branché, design, taché, hype, brodé, sentimental... Il fallait choisir une catégorie mais en fait il les rassemble presque toutes.
Il faut que je vous raconte son histoire: à l'origine, dans les années 1900, en Normandie, dans un délicieux manoir de la campagne dieppoise, il (ou plutôt, elle car il a changé de sexe!) était le 1/24ème d'un lot de serviettes de tables qui accompagnait une nappe que j'ai toujours, elle me sert au Cabanon où j'adore son petit côté "déjeuner à la campagne".
Ne me demandez pas où sont passées les 23 sœurs... c'est de la vieille histoire, je n'ai pas tout suivi!
Il est reprisé à certains endroits, grossièrement, je me plais à croire qu'il a servi de cobaye aux premiers travaux d'une jeune fille qui préparait son trousseau.
En fait ce torchon me fait rêver... je m'imagine les grandes tablées familiales, quand on était facilement une vingtaine autour de la nappe à carreaux, quand les petits s'endormaient dans le bras des grandes personnes et que le tonton entonnait "la chanson des blés d'or" de sa belle voix de baryton (et après s'être suffisamment fait supplier par les dames). Les verres tintaient, la journée s'étirait dans l'odeur du café et des liqueurs, pendant que les ombres s'allongeaient dans la lumière dorée du soir...
Je l'imagine étendu oreille contre oreille à la queue leu leu avec les autres, claquant au vent d'ouest (celui qui sent la mer), avec en toile de fond des herbages, des vaches, des pommiers en fleurs...
Et puis rangé bien repassé, en pile impeccable, dans la haute armoire de l'office, avec la nappe pliée dessous.
Toutes ces mains, fines de grand mère, fluettes d'enfant, bouffies de laveuse, calleuses de cultivateur qui l'ont manipulé, plié, lissé, chiffonné et même brandi un soir bien arrosé!
Je vais vous faire une confidence: il est passé de serviette à torchon, mais je me demande s'il ne va pas bientôt passer de torchon à doudou...